L’engagement des équipes est un enjeu fort aujourd’hui pour les entreprises : c’est la clé de voûte des transformations indispensables pour se maintenir et croitre dans un environnement VUCA (sigle anglais qui désigne un environnement volatil, incertain, complexe et ambigu). Les évolutions numériques et digitales, les défis énergétiques et climatiques, les tensions géopolitiques et leurs impacts sur l’économie…
Les salariés, les managers, les dirigeants ne sont pas épargnés au quotidien : ils doivent affronter des changements, quelque fois qui touchent au sens même de leurs missions, et viennent quasi systématiquement bousculer leur vision, leur place au sein de l’organisation.
Pour amorcer ou pérenniser des changements, la question sous-jacente tourne autour du bénéfice à changer vs. celui à ne pas changer et du risque à changer vs. celui à ne pas changer.
Pourquoi je fais ça, est-ce que ça vaut le coup ?
L’engagement à une entreprise, à une équipe revient à se questionner sur l’envie et la pertinence de se mettre en mouvement, d’aller risquer des moments d’inconforts pour viser un objectif commun. Ce qui fait la différence entre une personne dite engagée et une autre désengagée est l’alignement ou non entre un besoin personnel et un besoin collectif. En quoi la réalisation de l’objectif commun, porté par l’entreprise, peut contribuer à remplir un besoin plus intime ?
Illustrons ces propos.
Une entreprise annonce un changement de stratégie qui implique un remaniement d’organisation, l’implémentation de nouvelles méthodes de travail ou encore l’abandon de certaines activités au profit d’autres…. Ce virage stratégique a été décidé pour répondre aux attentes réglementaires de diminution du bilan carbone et aux attentes des clients de recourir à des fournisseurs plus « responsables ».
Un collaborateur, ayant eu une prise de conscience sur son impact énergétique individuel, aura plus de chances de s’impliquer à ce changement de stratégie, malgré les efforts et les inconforts que cela va générer.
Un autre collaborateur, étant moins touché personnellement par ces enjeux, pourra également montrer de l’implication dans ce renouveau stratégique s’il a cœur de contribuer à des projets d’innovation, être à l’avant-garde. Ou encore s’il lui est important d’être reconnu par ses pairs et son management.
Différentes motivations intrinsèques qui s’alignent donc à l’objectif officiel.
Cette pluralité de leviers de motivation n’est pas simple à cerner, elle est pourtant cruciale dans les actes de management.
En 2023, une enquête internationale sur l’engagement effectué par le cabinet Gallup remontait un constat lourd et sans appel :
· En France, 7% des salariés se disent engagés à leur entreprise.
· 70% de cet engagement dépend de la qualité de la relation avec le manager.
Alors, l’engagement la nouvelle quête du Graal ?
L’engagement en entreprise, on en parle beaucoup, on peine à le trouver.
Reprendre ce qui meut l’humain peut donner des pistes pour le cultiver, car ce n’est pas un état fixe mais bien une dynamique qui fluctue en fonction des personnes, du contexte et de l’environnement. J’ai déjà évoqué l’alignement entre besoin intime et besoin collectif. Creusons le concept de besoin intime.
L’Analyse Transactionnelle, courant psychologique qui a conceptualisé les dynamiques intra et interpersonnelles, souligne l’existence de trois besoins viscéraux que chaque individu cherche constamment à remplir, plus ou moins de façon consciente :
Le besoin de stimulation : se développer physiquement, intellectuellement et relationnellement. L’individu va chercher d’une manière ou d’une autre à se sentir évoluer.
Le besoin de reconnaissance : être reconnu pour qui nous sommes et éviter d’être ignoré. Cela va jusqu’à se satisfaire de recevoir des marques de reconnaissances négatives, des reproches, qui a minima confirment que j’existe bien aux yeux de l’autre.
Le besoin de structuration : agir sur la peur du vide en organisant des moments qui structurent sa journée et sa vie, en permettant de gagner en énergie et de créer des opportunités pour remplir les deux besoins précédents. Que ce soit un temps de recul pour réfléchir seul à ce que je ferai dans une heure, demain, dans la vie ou que ce soit participer à un moment convivial avec d’autres personnes.
C’est cela qui donne l’élan de vie.
Vous allez peut-être penser que l’entreprise n’est pas là pour donner un élan de vie. Vous aurez raison, ce n’est pas sa raison première d’existence. En revanche, c’est ce que vont chercher d’une façon ou d’une autre les salariés qui intègrent l’entreprise. En créant un environnement propice pour répondre à ces trois besoins, le manager et l’entreprise favorise la mise en mouvement vers les objectifs communs, et ainsi l’engagement.
Comment observer si son management facilite l’engagement ?
Chaque personne est différente et complexe, l’idée ici n’est pas de simplifier à outrance notre façon de penser et d’interagir. Mon intention est d’inviter les managers et leurs équipes à prendre du recul et à faire une pause sur les comportements et pensées automatiques.
Un signe observable d'engagement est la propension des membres de l'équipe à interagir avec le manager et le reste de l'équipe de façon assertive.
L'assertivité est la capacité à reconnaître sa valeur, avec ses qualités et ses défauts, et celle de son interlocuteur sur un pied d'égalité. C'est faire valoir ses droits sans entamer ceux d'autrui.
Cela se traduit notamment par une prise de parole adaptée - ni trop peu, ni excessive - et opportune, par une capacité à exprimer ses attentes explicitement, et par un comportement qui favorise la collaboration, sans renier ses besoins personnels.
Je vous propose quelques questions autour de 3 thématiques, pour vous inviter à cheminer.
Temps de l’équipe et prise de parole
Comment sont organisés les différents temps de l’équipe ? Quels sont les moments qui invitent à la réflexion personnelle, aux échanges conviviaux, au travail en solo et en équipe ?
Y a-t-il des moments de célébration à la fin d’un projet ou d’une réalisation marquante ? L’ensemble de l’équipe y est-elle conviée ?
Quelle est la répartition du temps de parole au sein de l’équipe ? Quelqu’un occupe -t-il régulièrement la majorité du temps de parole ?
Quels sont les comportements et attitudes des membres de l’équipe lors des moments collectifs ? Qui est en retrait ? Qui converse en parallèle ? Qui intervient spontanément ? Qui s’adresse à qui ? Sous quelle forme ? Qui coupe la parole à qui ?
Quelles occasions ont les collaborateurs pour exprimer leurs attentes et leurs besoins ? Quelle est la dernière fois où cela s’est produit ? De quelle manière ?
Comment sont attribuées les tâches au sein de l’équipe ? Comment est-il possible de refuser une tâche additionnelle ? Quelle est la dernière fois où cela s’est produit ?
Relations intra équipe et manager
Comment sont échangées les marques de reconnaissance au sein de l’équipe ? Qui donne quel type de feedback à qui et comment ?
Est-ce que les feedbacks sont donnés uniquement par le manager ? Quel est la proportion de feedbacks donnés sur des points forts et ceux sur des axes d’amélioration ?
Sur quels axes sont donnés les feedbacks : sur la personnalité de l’individu ou sur ce que la personne a fait ou n’a pas fait ?
Quelle est la dernière fois où un membre de l’équipe a donné un feedback constructif sur un axe d’amélioration au manager ?
Comment sont remontés les problèmes ? Qui les règle ? Quel est le niveau d’intervention du manager ?
Compétences & initiatives
Comment sont développées les compétences de l’équipe ? Quelles sont les opportunités des collaborateurs pour appliquer et développer des compétences ?
Quelle marge de manœuvre est donnée pour expérimenter de nouvelles pratiques et compétences ? Que se passe-t-il quand des erreurs sont commises ou que le résultat n’est pas à la hauteur des attentes ?
Quelle est la dernière fois où les membres de l’équipe ont travaillé sur un sujet différent ou avec une méthode différente (Ex. en solo, en binôme, en groupe) ?
Quelles idées ou contre-propositions sont formulées par l’équipe ? Par qui et par quels moyens ? Quelles sont les étapes de validation d’un projet ou de propositions ?
Cette série de questions permet de faire un point sur les pratiques managériales et la dynamique de l’équipe, et ainsi identifier comment les besoins fondamentaux des collaborateurs et du manager sont répondus. C'est une première étape pour repérer les zones où le manager souhaite évoluer et faire évoluer l’équipe.
Cultiver l’engagement de l’équipe n’est pas sans difficultés, mais le processus permet de développer les potentiels de chacun. On se met en route ensemble ?
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